Avec sa cage dorée sous la Trump Tower, le Chinois Ai Weiwei rend hommage au sort des migrants


L'artiste chinois Ai Weiwei inaugure à New York sa dernière exposition monumentale. Intitulée "Les bonnes frontières font les bons voisins", elle entend rendre hommage aux sort des migrants dans une Amérique qui, depuis l'élection de Trump, n'a de cesse de dresser des barrières.
‘’Donne-moi tes pauvres, tes exténués / Tes masses innombrables aspirant à vivre libres, / [...] Je dresse ma lumière au-dessus de la porte d’or !’’. Gravé sur le socle de la statue de la Liberté, les vers d'Emma Lazarus accueillent depuis 1903 le voyageur entrant dans le port de New York. C'est peu dire qu'en choisissant la ville pour sa dernière exposition, l'artiste chinois Ai Weiwei a fait le choix du symbole.
Intitulée Good Fences Make Good Neighbors, dicton anglais signifiant "Les bonnes barrières font les bons voisins", l'exposition se compose de 200 installations monumentales, inspirées par la crise migratoire actuelle. Disséminés dans toute la ville, cages, grillages et murs se voient déformés, distordus, pour symboliser l'ouverture des frontières. A Harlem, ce sont les photographies grands formats d'immigrés new-yorkais qui s'affichent sur les arrêts de bus. Inaugurée jeudi 12 octobre 2017, l'exposition doit rester en place jusqu'au 11 février 2018, dans une ville qui reste majoritairement favorable à l'accueil des immigrants, en opposition à la politique menée par le président Donald Trump.
Sous la grande arche, une cage aux barreaux distordues, inspirée par une œuvre de Marcel Duchamp (© Spencer Platt/Getty Images/AFP)
Monumental
A 61 ans, l'ancien dissident chinois, qui fait actuellement l'objet d'une rétrospective simultanée dans pas moins de cinq musées de Lausanne, peut se targuer d'une influence grandissante, tant comme artiste que comme activiste. Comme l'indiquait en 2011 le magazine Art Review en le désignant comme la figure la plus puissante de l'art contemporain : “Son militantisme a rappelé comment l'art peut atteindre un large public et se connecter au monde réel".
C'est que l'artiste chinois a toujours eu la folie des grandeurs. Et n'en est pas à son coup d'essai dans la mise en lumière de la cause des réfugiés. Dès 2015, il se rend sur l'île grecque de Lesbos, dans l'intention de documenter le quotidien des migrants et réfugiés qui y transitent. En résulte une série de clichés diffusées sur son compte Instagram, dont un fera polémique : celui où il reproduit la photographie tristement célèbre d'un petit garçon syrien, Aylan, échoué face contre terre sur une plage méditerranéenne.
Capture d'écran du compte Instagram d'Ai Weiwei : @aiww
Ai Weiwei n'en poursuit pas moins ses actions. En 2016, l'artiste rend hommage aux milliers de réfugiés qui meurent en mer avec Tyre (pneu), une fausse bouée de marbre noir d'apparence pourtant si légère, puis avec l'installation Soleil levant, qui consiste à ensevelir une plage à Lesbos, un musée à Copenhague, puis un théâtre à Berlin, sous des gilets de sauvetages récupérés sur les plages grecques. A chaque fois, le même entassement noir et orange, comme une irruption du drame. Dernière création en date, Human Flow, documentaire consacré à la crise migratoire est sorti au début de l'année 2017.
"Tous les murs sont ridicules"
Avec Good Fences, Ai Weiwei entend cette fois pousser un cri d'alarme contre la tendance au repli sur soi et à la xénophobie qui caractérisent l'Amérique de Donald Trump. Lui qui a vécu à New York de 1981 à 1993 s'est souvenu lors de son discours d'inauguration d'une "ville où l'on ne se sent jamais étranger". Et a fustigé la politique américaine actuelle en revenant sur le projet de renforcer le mur frontalier séparant les États-Unis du Mexique.
Située à proximité de la Trump Tower, la cage doré se présente comme une référence claire à la politique de restriction du droit d'entrée sur le territoire américain. (Crédit photo : Timothy A. Clary / AFP)
Organisée par l'association new-yorkaise The Public Art Fund et soutenue par les autorités municipales, l'exposition a suscité des réactions plutôt enthousiastes, dans une ville encore très attaché à sa tradition d'accueil. Le seul bémol est venue de l'association de quartier du  Washington Square Park, au motif que l'installation d'une œuvre sous la Grande Arche risquait d'empêcher le traditionnel accrochage des décorations de Noël... Une bien faible opposition pour une exposition qui, en dépit de son thème, promet d'être consensuelle.
Ai Weiwei n'a toutefois pas renoncé à son goût pour la provocation. Œuvre phare de l'exposition, une grande cage circulaire, d'un doré flamboyant qui tire sur le orange, se dresse à proximité de la Trump Tower. Comme un pied de nez, voire un doigt d'honneur. "Le président Trump y est le bienvenu, a déclaré l'artiste, avant d'ajouter, non sans malice, je l'ai peinte en doré pour qu'elle lui plaise, pour que ce soit plus sympathique". De la porte d'or à la cage dorée, il n'y a parfois qu'un pas.

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